Alain Sauger, "L'été 1914 dans la Drôme", p. 3-18
L'historien qui veut saisir la façon dont les Drômois sont entrés en guerre ne peut pas mobiliser tous les types de sources dont avait disposé Jean-Jacques Becker dans sa célèbre étude (1914: Comment les Français sont entrés dans la guerre, Paris, PFNSP, 1977). Notamment, les lettres ou carnets de poilus sont peu
loquaces sur l'entrée en guerre et il n'y a pas de rapports de police
disponibles. Pour la Drôme, on ne peut se fonder que sur la presse et sur les réponses à l'enquête du recteur
Petit-Dutaillis, concernant seulement une vingtaine de communes rurales.
Les élections d'avril-mai 1914 ont été dominées
par le thème majeur de la loi des trois ans et de l'instauration de
l'impôt sur le revenu. Les cinq députés élus ou réélus sont
hostiles à la loi des trois ans. Intéressée surtout par le procès de
Mme Caillaux, la presse ne s'inquiète qu'avec l'ultimatum de
l'Autrice à la Serbie le 23 juillet, d'abord pour
tancer le pacifisme des socialistes et de la CGT, qui convoquent une grande réunion publique à
Romans le 29 juillet. La gravité de la crise paraît être davantage perçue par la
population des bourgs qui lit la presse alors que les communes rurales sont en pleins
travaux agricoles.
Le 1er août, lorsque résonnent le le tocsin et le tambour du garde
champêtre, la réaction dominante est de "faire son
devoir". L'unanimité est rapidement acquise face à la conviction d'être
agressés, que le gouvernement français veut la paix (comme
l'affirmait Jaurès et le réaffirme Jules Nadi). Cette conviction entraîne celle d'une lutte inévitable entre les deux nations, qui fait ressurgir
l'idée de la Revanche puis aboutit au thème de la lutte de
la civilisation contre la barbarie. L'enracinement des
valeurs républicaines favorise cette conception (inversement, quelques curés voient la guerre
comme une punition).
L'alliance russe est censée favoriser une victoire rapide. Mais la société doit immédiatement s'adapter, à la désorganisation des municipalités et des familles
(privées de ressources par le départ du père), à l'état de siège le 2 août, puis à l'arrivée de réfugiés et de blessés, aux premières annonces de morts. L'"espionite" traduit une certaine angoisse. Les
journaux se font, pour l'historien, l'écho des doutes qu'ils essaient de combattre.
David Vinson, « Le 14 juillet 1914 dans la Drôme : veillée d'armes ou insouciances festives ? », p. 19-25.
David Vinson, « Le 14 juillet 1914 dans la Drôme : veillée d'armes ou insouciances festives ? », p. 19-25.
Au début des années 1910, le 14
juillet est devenu pour de nombreux Drômois et Français une fête
patriotique, militaire et consensuelle, réglée par arrêtés
municipaux, davantage qu'une célébration du triomphe de la
République. Loin d'être marqué par le contexte international, la
fête du 14 juillet 1914 est qualifiée par Jaurès comme « de
tout point semblable aux précédentes, c'est-à-dire banale,
banale ». Son déroulement comprend une retraite aus flambeaux
dans la soirée du 13, une revue des troupes le lendemain (lorsqu'il
existe une garnison), des actions caritatives, puis des bals
populaires et feux d'artifice (dans les villes). Les associations
musicales et sportives locales sont mises à contribution et les
habitants sont incités à pavoiser les immeubles. Les oppositions
politiques latentes s'expriment par l'organisation de banquets
républicains dans les municipalités radicales ou socialistes et
inversement par l'acrimonie des journaux conservateurs comme
L'Impartial de Romans ou Le Messager de Valence. De
1915 à 1918, le ministère de l'Intérieur impose au 14 juillet « un
caractère exclusivement patriotique et commémoratif ». La
fête est centrée sur la mémoire et la commémoration des morts,
trait qui ne disparaît pas en 1919 en dépit de l'apothéose de
l'armée et de la nation.
RECHERCHES
Christian Rey, "La fin des toits
en chaume dans les montagnes dioises : deux siècles
d'évolution", p. 63-72.
Sous l'Ancien Régime, l'usage du
chaume pour la couverture des toitures des bâtiments étant
extrêmement répandu dans les montagnes du Dauphiné, le moindre
incendie se propageait très rapidement aux habitations voisines.
L'article, fondé sur un dépouillement des sources communales et
administratives, ainsi que sur la presse du XIXe siècle,
démontre le caractère répétitif des incendies généralisés à
un village ou un hameau : il recense quatre incendies à
Vassieux, trois à Grimone et de nombreux incendies dans les hameaux
de Lus-La-Croix-Haute et de Boulc-en-Diois.
Il examine parallèlement les réactions
des autorités : sous l'Ancien Régime, ce sont les autorités
municipales qui s'efforcent de prévenir les incendies liés aux
fours à pain, au battage du blé ou aux cheminées défectueuses,
l'Intendance du Dauphiné se contentant d'accorder des dégrèvements
de taille, non sans suspicion au XVIIIe siècle. Certains
habitants financent l'achat de tuiles, mais leur coût est un frein.
Il semble que la mise en place de l'administration préfectorale et
des Conseils généraux permette une évolution décisive, dans les
années 1830 et 1840. Un système de primes voté en 1835 et le
développement des tuileries permet alors à la couverture de tuile
de devenir la norme. Dans le haut Diois, des incendies dramatiques
continuent néanmoins à frapper les écarts.
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